<123>mis le sceau de votre approbation. C'est ainsi que je veux en user pour tout ce qui pourra partir de moi; et c'est dans cette vue que je prends la liberté de vous envoyer aujourd'hui, par la route de Paris, sous le couvert de M. Borcke, une tragédie que je viens d'achever,a et que je soumets à vos lumières. Je souhaite que mon paquet parvienne en vos mains plus promptement que le vôtre ne me parviendra.

V. A. R. mande que le paquet contenant le mémoire du Czar et d'autres choses beaucoup plus précieuses pour moi est parti le 10 novembre. Voilà plus de six semaines écoulées, et je n'en ai pas encore de nouvelles. Daignez, monseigneur, ajouter à vos bontés celle de m'instruire de la voie que vous avez choisie, et le recommander à ceux à qui vous l'avez confié. Quand V. A. R. daignera m'honorer de ses lettres, de ses ordres, et me parler avec cette bonté pleine de confiance qui me charme, je crois qu'elle ne peut mieux faire que d'envoyer les lettres à M. Pidol, maître des postes à Trêves; la seule précaution est de les affranchir jusqu'à Trêves; et, sous le couvert de ce Pidol, serait l'adresse à d'Artigni, à Bar-le-Duc. A l'égard des paquets que V. A. R. pourrait me faire tenir, peut-être la voie de Paris, l'adresse et l'entremise de M. Thieriot, seraient plus commodes.

Ne vous lassez point, monseigneur, d'enrichir Cirey de vos présents. Les oreilles de madame du Châtelet sont de tous pays, aussi bien que votre âme et la sienne. Elle se connaît très-bien en musique italienne; ce n'est pas qu'en général elle aime la musique de prince. Feu M. le duc d'Orléans fit un opéra détestable, nommé Panthée. Mais, monseigneur, vous n'êtes pour nous ni prince ni roi; vous êtes un grand homme.

On dit que V. A. R. a envoyé des vers charmants à madame de La Popelinière. Savez-vous bien, monseigneur, que vous êtes adoré en France? On vous y regarde comme le jeune Salomon du Nord. Encore une fois, c'est bien dommage pour nous que vous soyez né pour régner ailleurs. Un million au moins de rente, un joli palais dans un climat tempéré, des amis au lieu de sujets, vivre entouré des arts et des plaisirs, ne devoir le respect et l'admiration des hommes qu'à soi-même, cela vaudrait peut-


a La tragédie de Mérope, à laquelle Frédéric fait allusion ci-dessus, p. 93.