38. DE M. DARGET.

Paris, 21 novembre 1755.



Sire,

On m'a remis un mémoire qui m'a paru assez important pour devoir être mis sous les yeux de V. M.; la manufacture de savon, dont il est question, pourrait faire un objet intéressant pour les États de V. M., où je crois qu'il ne s'en fabrique pas. Si le projet que l'on propose avait votre agrément, Sire, je mettrais les intéressés ici vis-à-vis du ministre de V. M. pour discuter leurs intérêts et ceux de ses sujets.

Je joins encore ici, Sire, la description de six tableaux qui m'ont été proposés, et qui sont des chefs-d'œuvre dans leur genre; si V. M. pensait qu'ils pussent lui plaire, je les ferais voir à M. le baron de Knyphausen, qui pourrait s'ajuster sur le prix avec le propriétaire, qui jusque-là ne veut pas être connu. Malgré la perfection de l'ouvrage, je crains que les sujets ne soient pas du goût de V. M., qui d'ailleurs ne m'a pas paru faire grand cas de la miniature.

La Pucelle est imprimée à Liége; on en a déjà des exemplaires ici, arrivés très-clandestinement. L'édition n'est pas belle, et est remplie de fautes, aussi bien que les copies manuscrites qui <66>fourmillent dans le public. V. M. trouvera le duc de Nivernois très-instruit sur toutes les anecdotes de notre littérature. Il est déjà entré ici, ainsi que M. le maréchal de Belle-Isle et madame de Pompadour, dans mes intérêts, sur la seule réputation que j'ai d'être un ancien domestique de V. M., auquel elle veut bien quelquefois penser encore. Que ne dois-je pas espérer, Sire, quand vous daignerez faire connaître à M. de Nivernois que je suis assez heureux en effet pour avoir encore quelque part dans le souvenir de V. M.! La suppression des sous-fermes a rendu les moyens de fortune si difficiles, qu'il n'y a que le poids de la protection qui puisse assurer des succès. Celle dont m'honore V. M. fait ma seule espérance, et j'ose lui en demander la continuation et les effets avec la respectueuse confiance dont elle a bien voulu me permettre l'usage. Je suis avec le plus profond respect, etc.