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10. AU MÊME.

Potsdam, 6 juillet 1752.

Votre lettre est bien noire, mon bon Darget; guérissez une fois des chimères qui vous attristent. Je vous jure que personne ne parle de vous, ni ne médit de vous, ni ne vous calomnie; mais c'est un sang épais qui circule mal dans votre bas-ventre qui envoie ces vapeurs sombres dans votre cerveau. Demeurez donc en France jusqu'en septembre. Vous ne me croyez jamais; je vous ai bien dit que l'air de Paris n'était que l'air d'une grande ville, que les médecins de ce pays-là sont des charlatans comme les nôtres, et qu'il n'y a de remède pour vous que l'exercice. Mais vous ne me croyez jamais que lorsque vous en êtes au repentir. Vous viendrez ici la bourse vide et les hypocondres enflés, et vous aurez appris, à votre grande consolation, que ce n'est point les hémorroïdes, mais un scorbut invétéré qui fait le malheur de votre vie; voilà ce qu'on profite à voyager. Adieu; trémoussez-vous beaucoup, prenez peu de drogues, et choisissez la Pârisa plutôt que Vernage et Astrucb pour votre médecin, Arlequin pour votre apothicaire, et Scaramouche pour votre baigneur.

11. AU MÊME.

Potsdam, 31 juillet 1752.

Voilà de vos visions hypocondres, mon bon Darget; personne ne m'a parlé de vous ni en bien, ni en mal. C'est de vous que j'apprends que vous avez vendu de la vaisselle; je vivais en sé-


a Frédéric désigne plus clairement cette femme galante dans son Épître à Rottembourg, t. X, p. 93.

b Michel-Louis Vernage, médecin vanté par Voltaire, naquit en 1697, et mourut en 1771. Jean Astruc, médecin français distingué, né en 1684, mourut en 1766.