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A M. STEINBART.

Potsdam, 16 mars 1770.

Votre piècea et la lettre qui l'accompagnait me sont parvenues. Je vous vois avec plaisir entrer dans mes vues et plaider avec force et avec netteté les droits et les avantages de la vertu. En prenant l'amour-propre pour principe de la morale, je n'ai point prétendu exclure les autres principes. Je sais trop bien qu'on ne saurait avoir assez d'appui pour fonder la morale et de motifs pour porter les hommes à la pratiquer; qu'un principe qui fera son effet sur quelques-uns ne sera pas senti par d'autres. Ainsi j'approuve votre méthode et le principe que vous ajoutez au mien pour donner à ce dernier le degré de force que vous y désireriez. Mais, s'il faut, comme vous le dites, une plus grande autorité aux lois de la conscience pour soustraire les hommes aux limitations arbitraires que l'esprit s'efforce d'imaginer, pourquoi ceux qui trouvent cette autorité dans la religion qu'ils croient et qu'ils professent expliquent et limitent-ils à leur fantaisie, et selon le plus ou le moins de profit apparent, les obligations que la probité leur impose? Voyez votre administrateur.b Il est chrétien, calviniste peut-être, ou luthérien, et il se fait dans de certaines circonstances une morale bien opposée à celle qu'il envisage comme divine. Il serait utile de bien lever cette difficulté, et très-important de rechercher la meilleure manière de former les


a Considérations sur les motifs à la vertu déduits du principe de l'amour de soi-même (par Steinbart), Berlin, 1770.

b L. c., p. 31-36.