<131>Vous vous imaginez, mon cher, que je suis encore aussi vif qu'autrefois; mais vous vous trompez. J'ai mis de l'eau dans mon vin, et je corrige à la vérité ce qu'il y a de défectueux dans la partie de l'exercice, mais sans sortir de mon assiette ordinaire. Ce qui regarde le commun soldat sera l'année prochaine en ordre aussi bien qu'avant la guerre. Pour ce qui regarde l'officier, c'est où porte ma plus grande attention; pour qu'ils deviennent ensuite vigilants dans le service, et qu'ils se forment le jugement, je leur fais enseigner la fortification, et avec cela on tâche de les obliger à raisonner sur tout ce qu'ils ont à faire. Vous comprenez bien que cette méthode ne saurait réussir en général; mais dans le grand nombre nous formerons des sujets et des officiers qui ne seront pas généraux par brevet, et qui en auront vraiment les qualités.

Adieu, mon cher ami; je vous manderai quand je pourrai venir à Brandebourg. Je vous embrasse de tout mon cœur.

32. AU MÊME.

Le 1er juin 1764.

Si je ne vous écris pas moi-même, mon cher ami, c'est que j'ai la goutte à la main gauche. Vous direz peut-être que je pourrais bien conduire la plume de la main droite; mais le papier m'échapperait, et je ne veux pas fatiguer vos yeux d'un griffonnage de chat. Cet accident, qui m'est venu fort mal à propos, m'a empêché de voir les régiments de la Poméranie et de la Nouvelle-Marche, et m'a obligé de différer de deux jours la revue des régiments de Magdebourg.

J'irai sans façon chez vous, comme un ancien ami, en passant par Brandebourg. J'y serai le 4 à midi. Je n'amène avec moi qu'un seul ami,a bien digne de votre amitié et de votre estime;


a Probablement le prince héréditaire de Brunswic. Voyez t. IV, p. 157 et 209; t. V, p. 6-11; t. VI, p. 251, §. 18; t. XII, p. 25, et t. XIX, p. 137.