<57>de jours qui me restent ne m'inquiètent plus assez pour que je m'y intéresse avec vivacité. Adieu, mon cher marquis, soyez moins paresseux à m'écrire; je n'ai reçu de six mois que deux de vos lettres. Si vous aviez écrit de même vos Lettres cabalistiques, vous seriez mort sans le faire. Mais vous me traitez en ami dont vous êtes sûr, et vous me négligez, parce que vous savez que je vous suis également attaché; et, quoique dans le fond vous ayez raison, je vous prie cependant de me traiter comme un homme que vous auriez besoin de rechercher, et de m'écrire plus souvent. Je vous recommande à votre lit, à votre apothicaire et à la protection du hasard,a qui règle et décide tout dans l'empire sublunaire que nous habitons, et qui se moque de vous, de moi, des politiques, des généraux, des sages et des fous également. Vale.

50. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 26 mars 1759.



Sire,

J'ai reçu la lettre que Votre Majesté m'a fait la grâce de m'écrire, dans le moment que je partais de Hambourg, et j'ai attendu d'être à Berlin pour avoir l'honneur de lui répondre; car, avant d'y arriver, je n'ai jamais été certain un seul moment, à cause de ma faiblesse, du temps où je pourrais être assez heureux pour la revoir. Enfin, après quatorze jours de route, je suis venu glorieusement à bout de faire trente milles. Ma santé se rétablit pourtant, et, si vous voulez me permettre de faire une campagne de six semaines ou de deux mois, je compte d'être en état, pendant les mois de juillet et d'août, de vous suivre jusqu'à Vienne. Cela ne me causera aucune dépense, ni aucuns frais à V. M. J'ai été obligé d'acheter des chevaux, puisque, en paix comme en guerre, une de mes jambes ne peut pas me servir une heure de suite; j'ai donc pris un carrosse.


a Voyez l'Épître sur le hasard, t. XII, p. 64-79.