<52>moi! Que ne doit-ce donc être, si l'on vous approchait! Voilà une nouvelle découverte en médecine. Sans doute que, à l'avenir, on purgera les malades par la vertu communicative des remèdes que d'autres auront pris, peut-être même par lettres; et les lettres purgatives iront d'un bout de l'Europe à l'autre opérer leurs effets, comme des billets de banque payables au porteur. En vérité, mon cher marquis, vous êtes un étrange mortel. Pour Dieu! ne vous tuez pas à force de soins pour votre santé; et que les remèdes épargnent la plus belle âme des beaux esprits, et ce cœur pur et net, digne de Bayard, que j'estime tant en vous. Vale.

45. AU MÊME.

Grüssau, 10 août (1708).

Vous pouvez aller à Hambourg, mon cher marquis, en toute sûreté, y recueillir le peu d'effets qui vous reviennent de la succession paternelle. Pour moi, je m'en vais m'opposer à tous nos ennemis. Il ne me manque que les cent bras de Briarée pour pouvoir effectuer sur ce sujet tout ce que je désire. Vous vous conduisez comme les citoyens romains durant la seconde guerre punique, où l'on vendait publiquement à Rome, comme en temps de paix, les champs et les maisons de campagne qu'Annibal occupait avec les Carthaginois. C'est à nous autres à imiter Scipion l'Africain, si nous le pouvons, ou bien la comparaison clochera furieusement. Enfin, mon cher marquis, donnez-vous patience ce mois-ci et le prochain, et j'espère que nos grandes querelles seront décidées avant la chute des feuilles. Adieu, mon cher : je vous souhaite un bon voyage, et vous prie de dire une petite oraison pour les âmes de vos amis qui sont en purgatoire.