<415>A Salluste jaloux je lirai votre Histoire,
A Lycurgue vos lois, à Virgile vos vers.
Je surprendrai les morts, ils ne pourront m'en croire;
Nul d'eux n'a rassemblé tant de talents divers.
Mais, lorsque j'aurai vu les ombres immortelles.
N'allez pas après moi confirmer mes récits;
Vivez, rendez heureux ceux qui vous sont soumis,
Et n'allez que bien tard rejoindre vos modèles.

Le marquis d'Argens.

Le poëte, Sire, qui place mon nom au-dessous de ces vers, et qui me les attribue, me fait sûrement bien de l'honneur; mais il se trompe fort, quelque admirateur que je sois de la gloire de V. M., s'il croit que je suis pressé d'en aller entretenir Marc-Aurèle.

Assez d'autres, seigneur, s'acquitteront sans moi,
Sur ces funestes bords, d'un si brillant emploi.

A propos, Sire, comme l'état naturel de l'homme est d'avoir toujours des rhumatismes, des crampes, des fièvres, et que personne ne remplit mieux cet état que moi, la volonté de V. M. est-elle, si par hasard, en soignant ma santé, je venais contre l'ordre des choses à me porter passablement, que j'aille à Berlin?a Je la supplie de me faire donner ses ordres à ce sujet par M. de Catt, pour que je puisse prendre alors quelques gouttes de plus, et quelques paquets de poudres, pour violer toutes les lois du meilleur monde possible, où l'on doit toujours avoir des courbatures. Je ne murmurerais pas contre ces lois, si je pouvais faire d'aussi bons vers que ceux que j'ai l'honneur d'envoyer à V. M., et que j'aimerais mieux avoir composés

Que ceux qu'a faits, fait, et fera
Monsieur le chevalier d'Ora.

J'ai l'honneur d'être, etc.


a Le Roi se rendit à Berlin pour le carnaval, le 19 décembre 1767.