<354>pas que depuis le commencement du siége il y ait eu six jours de perdus; et dans quel siége n'y en a-t-il pas? Nous ne perdons du moins pas notre temps à haranguer comme vos bavards de Grecs, ni à nous mettre en oraison comme les croisés devant Jérusalem et devant Damiette; mais Schweidnitz se prendra, je n'en suis pas embarrassé. Cela fait, il reste encore une dure besogne, où je vois un brouillard impénétrable qui empêche ma vue de découvrir les objets et les contingents futurs. Sainte Hedwigea ne m'éclaire point; quoique ma céleste parente, j'en tire peu de secours. Aussi j'abandonne l'avenir à la destinée, et je végète, attendant l'événement. Je vous écris naturellement comme je pense. Cela vous ennuiera un peu; cependant croyez qu'il y a du soulagement à décharger son cœur, ayez quelque égard à la situation où je suis. Adieu, mon cher marquis; je n'en dirai pas davantage pour cette fois, et je finis en vous assurant de toute mon amitié.

270. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 5 octobre 1762.



Sire,

Je commence par remercier Votre Majesté de la grâce qu'elle m'a faite de me permettre d'aller à Sans-Souci. Le mauvais temps qui a commencé depuis plusieurs jours, et ma santé toujours languissante, me tiennent à Berlin malgré moi.

J'ai repris courage, puisque V. M. m'assure qu'elle prendra Schweidnitz, et qu'elle n'en est pas embarrassée. Vous demandez un Achille pour prendre cette ville. Eh! ne l'êtes-vous pas? Ce n'est pas cela qui vous manque; c'est un ingénieur aussi bon que ce Gribeauval dont V. M. fait l'éloge avec tant d'impartialité. Le génie, cette partie essentielle de la guerre, si cultivée en


a Sainte Hedwige, veuve de Henri Ier, dit le Barbu, duc de Silésie, morte en 1243, patronne de l'église catholique de Berlin. Voyez t. XI, p. 182, 187, 214, etc.; et t. XVIII, p. 96.