<199>Il faut, avant de finir cette lettre, que je rende justice à la ville entière de Berlin. J'ai entendu dire aux bourgeois, au peuple, à la noblesse, pendant le siége et après la réduction de la ville : « Que dira notre cher et bon roi? » C'est une vérité constante que je n'ai pas entendu une seule personne se plaindre de son sort; mais l'objet public a toujours été celui de son cher et bon roi. Conservez-vous donc, Sire, pour d'aussi braves gens que vos sujets. Tant qu'ils vous auront pour leur maître, ils se regarderont comme heureux, malgré les événements de la fortune, qui ne sont point dans vos mains. Puisse une paix honorable finir les alarmes publiques et nous rendre à Berlin notre bon et cher roi! Je suis, etc.

P. S. Vous savez sans doute, Sire, la punition que les Russes ont faite à nos gazetiers. Le pauvre Beausobre, cause innocente de tout cela, en a pensé mourir de frayeur.a

150. AU MARQUIS D'ARGENS.

Jessen, 22 octobre 1760.

Voilà de ces coups que j'avais appréhendés dès l'hiver passé. Voilà, marquis, ce qui me dictait ces lettres que je vous ai si souvent écrites sur ma malheureuse situation. Il n'a pas fallu moins que toute ma philosophie pour supporter les revers, les avanies, les outrages, et toute la scène des choses atroces qui se sont passées. Je suis en pleine opération, et je vous prophétiserai à peu près quelle sera la fin de notre campagne. Nous reprendrons Leipzig, Wittenberg, Torgau, Meissen; mais l'ennemi gardera Dresde en Saxe et les montagnes en Silésie, et ces avantages lui donneront la facilité de me donner, l'année qui vient,


a Le 12 octobre, les rédacteurs des deux gazettes de Berlin furent maltraités par les Russes et menacés d'être passés par les baguettes, pour des articles dont M. Louis de Beausobre était l'auteur. Voyez ci-dessus, p. 123.