<176>brique me paraissent les semaines du prophète Daniel; et, sans vouloir médire de MM. les faiseurs de porcelaines, je devrais, selon la première lettre où V. M. me faisait la grâce de m'en parler, les avoir depuis quinze jours, et, par sa dernière lettre, j'ai vu encore une nouvelle quinzaine. V. M. m'écrit que je suis devenu poëte. Ah! si je l'étais, je ferais une ode dans le goût d'Horace pour la remercier, et une satire du style de Juvénal contre les tardifs fabricants.

Tous les gens de goût et tous ceux qui connaissent les arts font ici le voyage de Berlin à Potsdam, pour aller voir la galerie, avec autant d'empressement que les dévots font celui de Lorette ou de Saint-Jacques de Compostelle. Ceux qui ont vu l'Italie et la France conviennent unanimement que, après Saint-Pierre de Rome, il n'y a aucun bâtiment aussi somptueux et aussi élégant. J'espère le voir avec V. M. au commencement de l'automne, et, si nous n'avons pas la paix, vous ferez une campagne heureuse qui vous rendra, cet hiver, à votre peuple et à tous vos bons et fidèles serviteurs, à qui votre vie est aussi précieuse que la leur. J'ai l'honneur, etc.

134. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Schlettau) 10 juin 1760.

Votre lettre, mon cher marquis, m'a trouvé dans les grandes convulsions de l'inquiétude et de l'embarras. Nos affaires prennent un tour abominable; il faut mal gré bon gré se jeter dans les grandes aventures et jouer à quitte ou double. Des remèdes désespérés sont les seuls aux maux de pareille nature. Je vous l'ai dit souvent et je le répète, cette campagne nous sera funeste; mais je n'y saurais que faire. Je suis entraîné par le torrent des événements hors des routes de la prudence ordinaire, et obligé de choisir de deux mauvais partis le moins fâcheux. J'agirai avec tout le sang-froid et toute la résolution possible; mais la besogne