<128>dévotion n'étant point aussi notoires au public qu'elles le sont à V. M. J'ai l'honneur, etc.

106. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Freyberg) ce 19 (février 1760).

Vous pouvez envoyer ici votre recommandé, mon cher marquis. Il trouvera d'abord sa place, et, comme jusqu'ici nos ennemis ne se sont pas avisés encore de nous rôtir, ni de nous manger, il y a apparence que ce sera un danger qu'il n'aura point à risquer ici. Je vous envoie une Épître que j'ai adressée à d'Alembert.a Elle n'est pas à l'eau rose pour MM. les bigots, mais ce sont des coups portés en l'air; le fanatisme triomphera toujours de la raison, parce que la plupart des hommes craignent le diable et sont imbéciles. Je vous félicite de votre nouveau déguisement. Je ne m'attendais pas de vous trouver sous le chapeau à clabaud presbytérien. Le malheur est que cette guerre ne se décidera pas à coups de plume, mais à coups d'épée. S'il ne s'y agissait que d'écrire, dans peu nous coulerions à fond Autrichiens, Russes, cercles et Suédois. J'ai fait une brochure,a pour m'amuser, où je compare nos gens au triumvirat d'Octave, Lépide et Antoine. Vous jugez bien que les proscriptions n'y sont pas oubliées, non plus que la fin de l'histoire, où le plus fin engloutit les autres. Mais qu'est-ce que toutes ces misérables ressources, après les malheurs réels qui nous sont arrivés? C'est la Brinvilliersb qui, la veille de son exécution, joue encore aux cartes. La comparaison est noire, et très-noire, je l'avoue; quant aux situations, il y a pourtant quelque chose d'approchant, vous n'en disconviendrez pas. Je mène ici la vie d'un bénédictin. Dès que mes affaires sont expédiées, ce qui est pour moi dire la messe, je m'ensevelis avec


a Voyez t. XII, p. 147-150.

a Lettre d'un Suisse à un Génois. Voyez t. XV, p. 153-158.

b Voyez t. XIV, p. 196