45. A LA MÊME.

Dahlen, 22 février 1763.



Madame ma cousine,

Je n'ai pu laisser partir le sieur d'Edelsheim sans le charger, madame, d'une lettre pour vous. Il est de vos admirateurs, comme de raison, ce qui le recommande infiniment dans mon esprit, car, madame, je suis sur votre chapitre comme les catholiques pour leur religion. Quand ils trouvent quelqu'un qui adore la Vierge et croit à la transsubstantiation, ils se lient naturellement avec lui, c'est leur frère en Jésus-Christ; et je regarde ceux qui vous vénèrent comme unis à mon culte et mes frères en la duchesse de Gotha. Vous saurez donc, ma divine duchesse, que nous avons été assemblés en votre nom; vous étiez parmi nous, nous vous avons célébrée dans nos litanies, et vous avons vénérée en esprit. C'était tout ce que pouvait notre dévotion, car nous n'avions point de simulacres ni d'objets palpables de notre culte. Tout se faisait en esprit, seule façon digne de vous vénérer. Edelsheim retourne à la terre sainte; pour moi, séparé de ces lieux bénis, je tourne, les matins, les yeux vers l'occident, j'adresse ma prière à la divinité de cette heureuse contrée, et, si mon éloignement dure, je revêtirai le sac et la cendre pour apaiser l'inclémence du ciel, qui m'éloigne de cette Jérusalem moderne. Quant à ce que <222>j'écris, madame de Buchwald n'y trouvera rien à redire, pour le coup; il n'y a là ni Caton, ni Pompée. Elle se trouve dans le sanctuaire, et elle doit approuver ma dévotion pour la divinité dont elle est la première prêtresse. Dans l'espoir de revoir cette terre de promission, recevez, ma chère duchesse, avec bonté les assurances du plus sincère dévouement et de la plus haute estime avec lesquels je suis,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le très-fidèle ami et serviteur,
Federic.