31. A LA MÊME.

Meissen, 29 novembre 1762.



Madame,

Autorisé de votre approbation, j'aurai le plaisir infini de vous rendre mes devoirs le 3 de décembre, et de vous réitérer, madame, les plus vives et les plus sincères assurances d'estime et d'amitié.

MM. du commissariat se sont un peu lourdement et grossièrement acquittés de leur charge, dont je vous fais des excuses. Mais daignez considérer, madame, que, en temps de guerre, nulle marchandise ou espèce n'est plus indispensablement nécessaire que <200>celle des hommes. Daignez faire réflexion que, sans la bataille de Freyberg, les pays du Duc auraient été, comme l'année précédente, en proie aux dures extorsions de mes ennemis; que cette bataille a coûté infiniment plus de monde que celui qu'on demande; que toutes mes provinces sont envahies ou entièrement saccagées et dévastées par mes ennemis; que le monde qu'on lève en Saxe est infidèle et même porté à nous trahir; qu'il faut au moins, parmi ce nombre que nous ne nous pouvons dispenser d'employer, quelques gens sur la fidélité desquels on peut compter; enfin, que le petit nombre qu'on demande n'est pas, à beaucoup près, proportionné à celui que d'autres princes fournissent, et que, en négligeant les centaines, on ne parvient pas à former des milliers, qu'il nous faut assembler. Tout ceci sont, madame, des raisons très-pressantes pour ceux qui sont dans la nécessité de se battre, où certainement le nombre n'est pas à mépriser. Si je n'étais pas dans le cruel embarras où je me trouve, j'aurais certainement eu conscience de vous importuner pour une bagatelle; mais, vu le procédé brutal du commissariat, ceci peut passer pour une violence, et il n'y a qu'à crier à Ratisbonne. Je vous expose toutes mes raisons, en les soumettant, madame, à l'équité de votre jugement, et en alléguant la nécessité, souvent plus forte que les lois.

Je jouis déjà d'avance du plaisir que j'aurai de revoir cette amie respectable qui m'a captivé le cœur dès que j'ai eu le bonheur de la connaître. En vous priant, madame, d'être bien persuadée que je vous parle avec toute la franchise possible, et que mon cœur ne dément point ma bouche quand je vous assure que l'on ne saurait être avec plus d'estime et de considération que je suis,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le fidèle ami et serviteur,
Federic.