121. DU COMTE ALGAROTTI.

Bologne, 20 février 1759.



Sire,

Tandis que Votre Majesté ouvre le plus grand théâtre militaire, on ne songe, dans cette partie de l'Italie, qu'au théâtre de la comédie et de l'opéra. On a projeté, à Parme, de prendre ce qu'il y a de bon dans l'opéra français, de le mêler au chant italien, et de donner des spectacles dans le goût de ceux qui ont fait tant <118>de plaisir dans le théâtre de Berlin. Comme j'ai publié, il y a quelques années, maintes réflexions là-dessus, l'on a souhaité que je visse le plan qu'ils se proposaient de suivre. L'infant Don Philippe m'a fait inviter, et j'ai passé quelques jours à la cour de Parme. J'ai été extrêmement flatté d'y paraître comme le serviteur le plus attaché au plus grand prince, qui voit l'Europe réunie pour le combattre et l'admirer. J'ai bien entendu, Sire, le nom prussien célébré par des bouches françaises. L'admiration que l'on a pour V. M. est égale à la façon dont vous avez su vaincre et traiter les vaincus; elle est égale à ces hauts faits en tout genre qui seront à jamais la leçon des siècles à venir. Je suis bien assuré, Sire, que V. M. va, de cette campagne, casser l'arrêt qui semblait l'avoir condamné, comme dit V. M., à guerroyer toujours. Ce que vous avez fait exécuter, Sire, pendant l'hiver, est un bon garant de ce que V. M. fera pendant l'été. Elle va couronner de la façon la plus décisive et la plus glorieuse ses nobles et longs travaux. Je prends la liberté, Sire, d'envoyer à V. M. quelques boutargues pour ses entremets de campagne, et suis avec le plus profond respect, etc.