108. LE COMTE ALGAROTTI A L'ABBÉ DE PRADES.

Bologne, 4 juin 1757.

On ne saurait être plus sensible que je le suis de ce que le Roi ait daigné songer à moi dans ces grands moments qui vont décider du sort de l'Europe. Vous m'avez appris, monsieur, à admirer distinctement et en détail ce que je n'admirais que confusément et en gros. Votre relation est un portrait bien fidèle de ce grand trait d'histoire, et votre plume ne sait pas moins décrire les manœuvres les plus profondes de la guerre qu'elle sait traiter les sujets de la plus haute philosophie. A considérer le nombre, la qualité, la situation des ennemis à qui le Roi avait affaire, il faut avouer, monsieur, que nous n'avons jamais rien lu de pareil. Rien ne manque à la gloire du Roi, et la mort même du maréchal de Schwerin y ajoute un nouvel éclat. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien me mettre aux pieds du Roi, et de lui faire sentir que ma reconnaissance pour ses bontés est égale à l'admiration dont l'univers est saisi au bruit de ses exploits.

Je vous félicite, monsieur, d'avoir été témoin oculaire de tous ces grands événements, qui seront une leçon à la postérité la plus <109>reculée, et serais trop heureux, si je pouvais, dans ce pays-ci, vous donner quelque marque de la parfaite estime avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc.

Oserais-je vous prier de présenter mes respects à M. le maréchal Keith?