<97>dant pas qu'on se disputât la possession de ce beau pays. Si j'avais été de Charlemagne, au lieu de m'amuser à conquérir des païens d'en deçà l'Elbe, j'aurais établi mon empire à Rome. Peut-être serions-nous encore païens de cette affaire; mais le malheur ne serait pas grand, et on pourrait plaisanter sur Jupiter et Vénus plus joliment que sur M.... et J...... Votre confrère en Belzébuth s'est brouillé à Colmar avec les jésuites. Ce n'est pas l'action la plus prudente de sa vie. On dit qu'on pourra l'obliger à abandonner l'Alsace. Il est étonnant que l'âge ne corrige point de la folie, et que cet homme, si estimable par les talents de l'esprit, soit aussi méprisable par sa conduite. Il y a ici un chevalier Masson, venu de France, qui paraît aussi sensé que nombre de ses compatriotes qui l'ont précédé m'ont paru fous. Il est lettré, et semble avoir du fonds; je ne le connais pas assez pour en juger avec certitude. Mon opéra attend votre retour; vous lui servirez de Lucine, pour que le sieur Tagliazucchi en accouche heureusement. J'y ai mis toute la chaleur dont je suis capable; mais la chaleur de nous autres auteurs septentrionaux ne passerait que pour glace en Italie. Adieu. Je compte que ce sera la dernière lettre que je vous écrirai, ou je prendrai vos mois pour des ois prophétiques du grand prophète Daniel.a

Fr.

93. DU COMTE ALGAROTTI.

Venise, 17 mai 1754.



Sire,

J'ai fait après Pâques une petite tournée à Vérone pour me remettre en train de voyager. Je comptais, Sire, aller au lac de


a Voyez ci-dessus, p. 33.