<66>d'être fleurdelisé au Parnasse. C'est bien dommage qu'une âme aussi lâche soit unie à un aussi beau génie. Il a les gentillesses et les malices d'un singe. Je vous conterai ce que c'est, lorsque je vous reverrai; cependant je ne ferai semblant de rien, car j'en ai besoin pour l'étude de l'élocution française. On peut apprendre de bonnes choses d'un scélérat. Je veux savoir son français; que m'importe sa morale? Cet homme a trouvé le moyen de réunir les contraires. On admire son esprit, en même temps qu'on méprise son caractère. La du Châteleta est accouchée d'un livre, et l'on attend encore l'enfant; peut-être que, par distraction, elle oubliera d'accoucher, ou, si l'embryon paraît, ce sera des œuvres mêlées.

Je vous prie, ne vous servez point du panacée que Cataneo annonce. Je ne crois aucune des nouvelles qu'il mande, quand même elles sont vraies; je ne voudrais me servir d'aucune médecine qu'il loue, quand même il en aurait fait l'épreuve, et surtout d'un panacée. Ce sont des chimistes qui les inventent. On y a grande foi quand ils paraissent, mais on ne tarde pas à s'en désabuser. Je vous recommande la belle humeur, le régime, la dissipation, et d'avoir soin de cette machine qui vous fait si bien penser. Adieu.

51. DU COMTE ALGAROTTI.

Berlin, 15 septembre 1749.



Sire,

La dernière lettre dont Votre Majesté m'a honoré est si remplie de bonté, qu'il m'est impossible d'en remercier V. M. autant que je suis capable de sentir combien je lui dois. Ma santé, Sire, à laquelle V. M. daigne prendre autant de part, irait mieux, si le mauvais temps qui est survenu n'avait troublé l'effet des eaux. J'en suis à la fin, et je m'en vais me mettre au vin de vipère, en


a Voyez t. XIV, p. Iv, no VI, p. xv, no XL, et p. 29 et 195; et t. XVII, p. 1, et p. 1-52.