<52>Avec les Lancrets, les Watteaux.a
Tantôt tu me transporte en ces champs pleins d'alarmes
Où le comédien et l'auteur
Au sein de Melpomène ont fait verser nos larmes,
Tantôt dans ces lieux pleins de charmes
Où le correct et doux censeur
Fait, même en le jouant, rire le spectateur.
O mortel trop charmant! ô mortel trop aimable!
Sacrifiez pour moi les schah, les Chouli-Kans,
Laissez l'Islande et les volcans;
Et que j'aie à jamais le plaisir ineffable,
Durant la trame de mes ans,
D'entendre vos discours, de lire votre prose,
Et de chanter vos divins vers.
Ami, que ce parti, que mon cœur vous propose,
Vous tienne lieu de l'univers.

Federic.

37. AU MÊME.

Potsdam, 10 août 1742.

Mon cher Algarotti, j'ai été fort aise de l'espèce de prophétie que vous me faites dans votre lettre, comme si l'Allemagne et la Prusse pouvaient se flatter de vous revoir un jour dans leur froid climat. Quelque mauvaise opinion que vous ayez du goût de ces nations, je puis cependant vous assurer qu'elles vous considéreront comme une aurore boréale qui vient éclairer leurs ténèbres. Ce phénomène nous serait plus agréable encore, si le public osait se flatter que nous devrions votre présence à nous-mêmes, et point aux influences attrayantes de Plutus, qui réside dans ces contrées. Apparemment que vous avez oublié toutes les offres


a Frédéric aimait beaucoup les tableaux d'Antoine Watteau, mort en 1721, et de son imitateur Nicolas Lancret, mort en 1747 (t. XIV, p. 36). Voyez la Description de tout l'intérieur des deux palais de Sans-Souci, de ceux de Potsdam et de Charlottenbourg, contenant l'explication de tous les tableaux, etc., par Matthieu Oesterreich. A Potsdam, 1773, in-4. Voyez aussi t. XVII, p. 163, et la lettre du marquis d'Argens à Frédéric, du 19 octobre 1760.