<243>fassent perdre la jouissance du moment présent. Puissiez-vous en profiter de longues années, comblée de toutes les prospérités que vous méritez à si juste titre! Personne ne vous le souhaite plus sincèrement que je le fais. Agréez-en les protestations avec celles de la haute estime et de la sincère amitié avec lesquelles je suis,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le fidèle cousin et serviteur,
Federic.

60. A LA MÊME.

(Potsdam) 2 juillet 1764.



Madame ma cousine,

J'ai bien du regret, ma chère duchesse, de ce que vous n'êtes pas la Providence; je me reposerais sur votre puissant appui, et je croirais avec foi et certitude que le monde serait bien gouverné, car vous ne protégeriez assurément pas les superbes, ni les scélérats, comme cela est souvent arrivé de nos jours. Mais, en attendant que vous preniez le gouvernail de l'univers en main, vous me permettrez de vous remercier des bonnes choses que vous me destiniez, et dont je vous ai, mon adorable duchesse, la même obligation comme si je les avais reçues. Pour moi, qui dirige une partie imperceptible de la planète que nous habitons, mon influence y est des plus bornées. Je ne vois guère au delà de mon nez, je me trouve être l'accident, mais pas le mobile des choses, à peu près comme la boue que des roues d'un carrosse jettent par une suite de leur mouvement. Voilà, ma chère duchesse, le rôle que je joue en Europe, et vous voyez qu'il est circonscrit dans une sphère assez étroite. J'avoue, madame, qu'il y a des occasions où l'on peut prévoir l'avenir; mais combien de causes secondes nous sont cachées, qu'il faudrait connaître pour