<178>suis réellement honteux des peines que je vous cause. Personne désormais ne voudra être de mes amis, quand on apprendra ce qu'il en coûte pour l'être, et combien étrangement j'abuse de la bonne volonté de ceux qui veulent bien m'honorer de leur bienveillance.

Notre situation ici est absolument la même; mais il me paraît, par quelque remuement de troupes dans les quartiers des ennemis et par quelques dispositions, qu'ils porteront toute la force de la guerre vers la Silésie, et qu'ils se tiendront de ce côté-ci sur la défensive. Cela m'obligera peut-être, dans quelque temps, de quitter ces contrées et de me porter du côté où l'ennemi a résolu ses plus grands efforts. Je ne manquerai pas de vous avertir, madame, de mon départ, vous priant de me croire avec les sentiments d'estime et d'admiration,



Madame,

de Votre Altesse
le très-fidèle cousin et serviteur,
Federic.

15. A LA MÊME.

Freyberg, ce 12 (mars 1760).



Madame,

La lettre de Votre Altesse m'est parvenue en toute sûreté, et je crois qu'actuellement elle doit tenir ma réponse. Je suis confus de celle que je viens de recevoir. Quelque envie que j'aie d'être digne de la bonne opinion, madame, que vous avez de moi, je m'en sens encore bien éloigné. Mais c'est un aiguillon de plus, qui doit augmenter mes efforts pour mériter votre approbation. J'avoue que la bonté de ma cause ne me rassure pas contre les coups du sort. La plupart des fastes de l'antiquité sont remplis d'histoires d'usurpateurs. On voit partout le crime heureux triompher insolemment de l'innocence; ce qui renverse les empires est l'ouvrage d'un moment, et il ne faut quelquefois, pour