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123. DU COMTE ALGAROTTI.

Bologne, 12 février 1760.



Sire,

Si tu, Imperator maxime, exercitusque valetis, bene est. La fortune aura bien de quoi rougir de ne pas avoir secondé, pendant cette campagne, les plus beaux desseins que jamais on ait formés à la tête des armées. Mais la longanimité de V. M., cette vertu première de ses bons amis les Romains, forcera tous les obstacles, et saura bien assujettir la fortune à la valeur. Je fais seulement les vœux les plus ardents pour que la santé du corps de V. M. égale l'activité de sa grande âme. V. M. nous fait voir ce qu'on ne croyait pas possible à la guerre, et le siècle aura l'obligation à V. M. de l'époque la plus brillante et la plus glorieuse qui soit enregistrée dans les annales du genre humain.

124. AU COMTE ALGAROTTI.

Freyberg, 10 mars 1760.

Il est certain que nous n'avons eu que des malheurs la campagne passée, et que nous nous sommes trouvés à peu près dans la situation des Romains après la bataille de Cannes. L'on aurait pu appliquer de même aux ennemis ce mot de Barcaa à Annibal : « Tu sais vaincre, etc. » Par malheur pour moi, j'avais un fort accès de goutte à la fin de la campagne, qui m'avait entamé les deux jambes et la main gauche; tout ce que j'ai pu faire a été de me traîner pour être le spectateur de nos désastres. Il faut l'avouer, nous avons un monde prodigieux contre nous; il faut les derniers efforts pour y résister, et il ne faut pas s'étonner si souvent nous souffrons quelque échec. Le Juif errant, s'il a jamais


a C'est Maharbal qui dit à Annibal ce mot conservé par Tite-Live, liv. XXII, chap, 51 : « Vincere scis, Hannibal; victoria uti nescis. »