<230>feu. Si je vois qu'il me refuse totalement, je me jetterai dans l'éloquence et la morale. Nous passerons des jours heureux, du moins raisonnables, car nous raisonnerons beaucoup.

Là, sous le studieux ombrage
De ces tilleuls verts et fleuris,
Nous rirons du frivole ouvrage
Des mortels par des riens épris,
Et des catins et des Fleurys,
Et des fous qui se jugent sages,
Et font de pompeux étalages
De leurs puérils écrits.
Que nous rirons de ces maris
De qui le bruyant cocuage
Fait la fable du voisinage,
Et n'est ignoré que par eux,
Et des autres qui, plus heureux,
Se sont fait ce maquerellage!
Nous passerons devant nos yeux
La bigarrure de ce monde,
Les projets sur quoi l'on se fonde.
Et les vains objets de nos vœux,
Enfin, cette erreur si commune
Aux souverains, aux conquérants,
La gloire, objet de leur encens,
De leurs malheurs, de leur fortune.
Hélas! de cette illusion
Mon cœur a trop senti les charmes.
J'ai fait renaître d'Ilion
L'illustre conspiration
De tant de rois ligués pour former les alarmes.
Hélas! qu'il m'en coûta de larmes!
Mais à présent que la raison
De mes mains fait tomber les armes.
Ainsi qu'un frénétique à peine revenu
D'un long et véhément délire,
De mes revers tout confondu,
Et retournant à la vertu,
Je me repose et je respire.

Adieu, cher Jordan; je suis de tous vos admirateurs le moins flatteur, et de tous vos amis le plus sincère.