<167>Pour revenir à la comète, j'avouerai à V. M. que je suis fort peu satisfait de sa conduite; à peine daigne-t-elle se faire voir. On dit pourtant qu'elle a des talents, qu'elle peut paraître avec décence, et qu'elle gagne à être vue. Je n'en sais rien; j'ai fait tout ce que j'ai pu pour lui rendre mes hommages; on m'a dit qu'elle se plaçait vers l'étoile polaire, et que de là elle vous considérait bataillant.

Je suis malheureux, car ma vue
Voit souvent les objets bien peu distinctement;
Mes yeux et mon esprit ont souvent la berlue,
Et me manquent à tout moment.

Il ne me reste que l'ouïe, l'attouchement et le goût. Pourvu que ceux-là ne diminuent point, je suis content, parce que j'ai appris à me contenter.

Jordan peut être fort heureux,
S'il conserve du goût pour un bon vin qui mousse,
S'il se sent rajeunir en touchant peau bien douce,
S'il entend les récits de vos faits glorieux.
Que lui faudrait-il davantage?
Voir un peu moins, est-ce être malheureux?
Pénétrer tout par l'esprit et les yeux
N'est pas toujours un avantage.

Il en est, Sire, de nos raisonnements politiques comme de ceux que l'on fait sur les tours d'adresse d'un joueur de gibecière. V. M. ne veut absolument point que le ciel se mêle de ce qui regarde les hommes?

Le ciel n'a point de part à ce qu'il nous voit faire,
C'est là ce que nous dit le pur raisonnement;
Mais les ressorts secrets de maint événement
Font que mon cœur me dit tout le contraire.

V. M. recevra aujourd'hui les Tusculanes de Cicéron, les Philippiques, les Commentaires de César. Comme je n'ai pu trouver ces derniers à Berlin, madame de Montbail me les a donnés pour V. M. Les autres seront prêts sur la fin de la semaine.

Les gazettes ne parlent que des malheurs de l'Empire; tout cela me touche beaucoup.