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106. AU MÊME.

Selowitz, 23 mars 1742.

Je n'ai jamais autre chose à vous dire qu'à me louer de vos lettres.

On y trouve de ce bon sel,
Épice de qui sait écrire;
On y trouve de la satire,
Du sublime et du naturel;
Et ces vers qu'avec nonchalance
Vous faites en dépit de l'art
Se ressentent de l'éloquence
De ceux qui boivent le nectar.

J'ai vu ce que vous nous prédisez si savamment à l'égard de la comète qui vient de paraître. Maupertuis a pris la fièvre chaude de cette comète, qu'il n'a pas annoncée comme de règle, et qui a eu le front de se produire sans certificat ni passe-port des astronomes.

Chacun là-dessus fait sa glose;
L'un nous pronostique la paix,
L'autre craint beaucoup pour la chose
Qu'étayent messieurs les Anglais.
Pour moi, je crois le ciel plus sage;
Il ne s'enquiert de notre rage,
Ni de tous nos petits procès.

Nous vivons fort laborieusement et philosophiquement à Selowitz. J'attends bien impatiemment Cicéron, dont la lecture me convient si fort dans les circonstances présentes.

Le saint et vénérable Empire
De l'Empereur qu'il vient d'élire
Croit être l'auteur tout de bon;
Ou du Danube, ou de la Seine,
Lequel d'eux le triomphe entraîne,
Il en payera la façon.

C'est ce qui paraît d'autant plus, que l'on doit s'attendre à voir la reine de Hongrie accablée encore par l'Empire.