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94. DE M. JORDAN.

Berlin, 27 janvier 1742.



Sire,

Les sentiments sont fortement partagés sur votre retour; les uns assurent que ce sera le 12 de mars, d'autres le 15, d'autres enfin le 25. Il y en a qui veulent parier que ce ne sera qu'au mois de novembre. Ceux qui cherchent à découvrir la raison de tous les événements disent que si V. M. vient à Berlin, c'est une preuve indubitable d'une paix prochaine, à laquelle toute l'Europe aspire, d'autant plus qu'on assure que les grenadiers se sont rejoints à leurs régiments respectifs, et que les belles troupes de V. M. rentrent en quartier d'hiver pour se reposer. D'autres prétendent que tout cela est faux, que la guerre commencera de nouveau au printemps. Certaines gens qui veulent tenir un milieu assurent comme une chose indubitable qu'il y a une suspension d'armes sur le tapis. On dit la France embarrassée; que les troupes se consument en Allemagne; que le maréchal de Belle-Isle vient à Berlin, à son retour de Paris; que V. M. a envoyé un adjudant à Dresde, qui y est venu, à coup sûr, pour une affaire de la dernière conséquence, mais qui est fort secrète; qu'il ne saurait y avoir porté la nouvelle de la prise d'une place; que le cardinal a dit qu'il voyait dans son miroir magique les actions de tous les princes de l'Europe, qu'il n'y avait que celles du roi de Prusse qu'il n'y voyait point. Je suis mortifié d'être au bout de mes on dit.

Pesne a fini le tableau de V. M.; c'est la plus belle pièce que l'on puisse voir. Il ferait dire des messes, si on voulait le lui permettre, pour qu'on eût en Silésie et dans ce pays la fureur du jeu.

J'ai l'honneur d'être, etc.