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60. DE M. JORDAN.

Breslau, 12 mai 1741.



Sire,

J'ai reçu la jolie description de Votre Majesté, touchant Maupertuis; son domestique partit hier, et ne doute point que son maître ne revienne à Breslau sûrement.

On ne parle ici que de la paix, que l'on assure prochaine; je le souhaite plus que je ne l'espère. Les ennemis, à ce qu'on dit, fuient quand l'armée de V. M. fait mine de les approcher. On dit qu'ils l'ont fait à Strehlen.

La Gazette de Leyde dit que le cheval de M. Maupertuis, ayant pris le mors aux dents au milieu de la bataille, l'avait jeté dans l'armée ennemie.

Je ne sais ce que c'est que mauvaise humeur; j'en puis même alléguer une preuve. J'ai pris la liberté d'envoyer à V. M. deux lettres dans lesquelles il y avait des vers, et je ne fais des vers que lorsque la joie ne me permet pas de raisonner.

J'entendis hier bon nombre de messes par amusement, puisque je ne puis aller à l'église par dévotion; nous n'avons point ici de culte au rit réformé, et

Pour moi, comme une humble brebis,
Sous la houlette je me range;
Il ne faut aimer le change
Que des femmes et des habits.

Bayle, dans l'article de

Racan

, à ce que je crois.a

Ce qui me remplit de joie, c'est qu'on assure que V. M. se porte à présent à merveille, et que les maux de tête sont dissipés.

J'ai l'honneur, etc.


a Les quatre vers cités ici et altérés se trouvent, non dans le Dictionnaire de Bayle, mais dans les Œuvres de M. Honorat de Beuil, chevalier, seigneur de Racan, A Paris, 1728, t. II, p. 210; ils font partie de l'épigramme composée à l'occasion du Bouclier de la foi, de Pierre Du Moulin.