<370>à une si triste cause. Plus cette cruelle maladie m'a fait souffrir, plus j'ai redoublé mes vœux fervents pour que le ciel vous en préserve à jamais, sachant que vous y êtes aussi sujet. Je supporte cependant tout patiemment mon mal, reconnaissant que je me le suis attiré par ma faute, et espérant pouvoir m'en garantir à l'avenir. Il est sûr que, si les hommes étaient toujours sincères envers eux-mêmes, ils trouveraient que la plupart des maux ne leur viennent pas sans de bonnes raisons, et qu'ils auraient bien tort de s'en plaindre, puisqu'ils en sont eux-mêmes la cause.

J'ai déjà mandé à V. A. R. à quoi s'accroche encore le marché des pelleteries. Je ne doute pas cependant que l'affaire n'ait lieu, tant parce que les deux parties en ont fort envie que parce que la politique même y engagera l'illustre acheteur. Certain chevalier, de retour d'une poursuite de géants, pourra donner avis de ce qui se passe, et V. A. R. pourra s'en instruire de main tierce. Du reste, je me sens pénétré de la plus vive reconnaissance pour la générosité avec laquelle V. A. R. m'offre les deux peaux de martres noires. Le moyen, monseigneur, de vous refuser quelque chose! J'en ai effectivement bon besoin pour un manchon, car j'aurai bien froid cet été.

J'attends avec impatience le bas officier que j'ai demandé à V. A. R. pour conduire les quatre Turcs que je lui garde ici. Elle aura là de quoi gratifier le comte deTruchsess, car je ne prétends pas qu'il m'ait la moindre obligation d'avoir obéi aux ordres de V. A. R., quoique, d'ailleurs, je serais charmé qu'il se présentât quelque occasion de l'obliger.

J'ai touché en passant, dans ma dernière lettre, l'heureuse issue des amours d'un moderne Jason, n'osant alors en dire davantage. Voilà un cadet de bonne maison qui finit la plus brillante aventure du monde. Mais aussi faut-il dire qu'il le mérite bien par sa constance, par sa sage conduite et par ses autres qualités personnelles. Comme je crois qu'il vous est peu connu, je vous dirai, monseigneur, qu'il a toujours eu l'approbation de tous ceux qui le connaissent. Il est très-bien fait de sa personne, joignant à de l'esprit beaucoup de jugement, un fonds solide de probité et d'honneur, et j'oserais bien assurer qu'on ne lui connaît aucun vice. Élevé en prince, il s'est appliqué avec