<308>la fatigue du voyage et de la rigueur de la saison, je me suis assez bien prémuni contre l'une et l'autre pour pouvoir espérer de n'en avoir pas beaucoup à souffrir.

Dans le moment du départ, je sens mon cœur s'émouvoir et des larmes couler de mes yeux. Quelle autre expression de mes adieux pourrait me permettre cet attendrissement, si ce n'est de me jeter aux pieds de V. A. R., d'embrasser ses genoux, et de lui laisser lire dans mes regards et dans mon respectueux silence les sentiments ineffables que j'emporte loin d'elle, mais qui ne cesseront jamais de vivre dans mon cœur, aussi longtemps qu'un souffle de vie l'animera encore, etc.

42. A M. DE SUHM. (no 1.)

Berlin, 1er janvier 1737.



Mon cher Diaphane,

Vous voilà donc en voyage, et sur le chemin de Pétersbourg? Il serait inutile de vous marquer tout ce que j'ai senti en vous voyant partir. Il me semble que chaque lieue que vous faites pour vous éloigner de moi me soit une raison suffisante pour me causer du chagrin. Je m'en console cependant, pouvant vous assurer, d'une manière figurée, de ma parfaite amitié. Voilà comme je commence cette année; et je vous assure que je finirai non seulement celle-ci, mais toutes celles que le ciel m'accordera encore, de même, c'est-à-dire, rempli d'une parfaite estime pour vous.

Si la philosophie m'éclaire, c'est par vous; vous m'avez ouvert la barrière de la vérité, et c'est vous qui en avez été l'organe.

Mon esprit languissait dans une obscure nuit,
Quand le brillant flambeau qui maintenant me luit,
Allumé par vos mains, vint éclairer mon âme.
Je respectai d'abord cette céleste flamme,
Et, descendant du ciel, l'auguste Vérité
Répandit dans mon cœur sa force et sa clarté.