<171>Les vents dont l'haleine empestée
Entraîne l'horreur sous leurs pas,
Par qui la terre dévastée
Se voit couverte du trépas,
L'aquilon dont le souffle aride
Enlève au laboureur avide
L'unique objet de ses travaux,
Sont moins craints sur cet hémisphère
Que n'est le flatteur mercenaire
Qui corrompt le cœur des héros.

L'insinuante flatterie
Est la fille de l'intérêt;
L'orgueil superbe l'a nourrie,
Et l'amour-propre seul lui plaît.
Elle est rampante au pied du trône.
Son vain encens qui l'environne
Enivre les rois et les grands;
Le masque de la politesse
Couvre en tout l'abjecte bassesse
De ses froids applaudissements.

Tel qu'un serpent caché sous l'herbe,
Rampant à replis tortueux,
Dérobe sa tête superbe,
Sous des feuillages ombrageux,
Aux hommes prêts à le surprendre,
Qui dans cet asile si tendre
N'observent que l'émail des fleurs;
Ou telle cette lueur claire
Dont la beauté si passagère
Séduit et perd les voyageurs :

Ainsi donc le flatteur inique
Couvre par sa feinte douceur
Et par sa lâche politique
L'apprêt d'un poison corrupteur.
Sa bouche est sans cesse trompeuse,
Et de sa langue frauduleuse
L'adresse abuse les humains,
Semblable au chant de la sirène
Dont la mélodie inhumaine
Les charme, et tranche leurs destins.