<140>laisser une de six pieds un pouce, pour que je la puisse mettre sur l'aile de ma compagnie à la revue prochaine.

J'admire fort l'allégorie ingénieuse de votre génie et de la nouvelle carte géographique; tout ce que je sais de vos antipodes, c'est que Ton vous y estime bien et selon votre mérite; c'est tout dire. Nous y avons vécu tranquillement, en jouissant sagement des plaisirs de ce inonde. Vous avez été le saint secourable de l'endroit où vous avez passé deux mois; il y a bien des personnes qui se louent encore de vous. Je compte de retourner bientôt aux antipodes d'où je suis venu; ce serait troubler mon repos que de souhaiter de vous y voir, la chose ne pouvant se faire. Si vous pensez à nous, vous pouvez vous assurer du réciproque de notre part. Le surnom des Antipodes ne convient pas si mal à ma terre, car les Miroquoisa sont mes voisins; ils m'ont fait l'honneur de me rendre visite avec toute leur cour. Cela est divertissant au possible.

Le diable, qui ne dort jamais, a mis fin à la chasse des sangliers; il a enrhumé le maître, ce qui a déconcerté tous les desseins des meurtres projetés. J'ai cependant eu commission de tuer près de deux cents de ces misérables sangliers. Je m'en suis acquitté comme une personne peu cruelle; prenant pitié de leurs souffrances, j'ai abrégé leur martyre autant que je l'ai pu. Je vous avoue que je ne me sens aucune inclination pour la chasse; cette passion est justement le contre-pied des miennes.b Ma foi, chasse désormais qui voudra, je n'en suis point : nous nous accorderions plus facilement sur ce point que sur la prérogative que l'on doit donner ou à la musique française, ou à l'italienne.

J'ai vu aujourd'hui le vieux Beausobre,c qui se porte bien, et qui est gaillard comme un jeune homme. Cet homme a de l'esprit infiniment; c'est dommage que le dérangement de son râtelier lui rende l'articulation des mots difficile; j'aimerais bien sa plume comme amie, mais non comme ennemie, car je le crois redoutable.


a Frédéric désigne par ce mot de son invention la famille du duc Charles-Louis-Frédéric de Mecklenbourg-Mirow.

b Voyez t. VIII, p. 119-123, et p. 253-258; et t. XV, p. 108.

c Voyez ci-dessus, Avertissement, no VIII, et p. 127-136.