<134>pagnie, faisant ici, sur la terre, l'office que le Saint-Esprit fait au ciel; vous comprenez que je parle de son intercession auprès de Dieu. Je crois que la campagne entière ne donnera pas tant de peine au prince Eugène que j'en ai eu à obtenir la permission de la faire. L'on voit que la persévérance vient à bout de tout. Quelle joie n'aurai-je pas quand je pourrai vous écrire du camp de N.! Il me semble que mes lettres auront un double prix, et une petite odeur de poudre à canon qui y sera attachée leur donnera un air tout à fait martial. En cas que je ne parte point d'abord, vous aurez encore de mes lettres paisibles et tranquilles; mais soit l'un, ou l'autre, vous y trouverez toujours également des marques de mon amitié et de ma parfaite estime.

Frederic.

7. AU MÊME.

Wehlau, 8 octobre 1735.



Mon cher Camas,

Que direz-vous, si, à votre grande surprise, je vous apprends que mon habit bien doublé m'a rendu de très-bons services? Je ne me suis point repenti cette seule fois de l'avoir mis, car dans ce pays-ci il lait hiver en automne, et en hiver il faut bien qu'il y fasse le diable. Pour ne pas abréger si court la narration que je vous en fais, et pour parler en personne qui n'est point prévenue, je vous dirai que les quatre régiments de cavalerie que j'ai vus sont magnifiques. J'en suis enthousiasmé, et plus d'une fois il m'a démangé d'aller avec eux rabaisser un peu notre voisin l'impertinent, qui tranche du roi de la Sarmatie. Je vous vengerai comme il faut de la froide révérence qu'il vous a daigné faire pour votre belle harangue. Revenons à nos moutons; je suis en train de dire du bien, ainsi je continue de dire tout ce qu'il y a de louable ici. Les villes sont belles, bien peuplées, et, étant bâties dans toute leur enceinte, la plupart ont été obligées de faire des faubourgs; enfin le monde fourmille dans les villes