<12>Permettez-moi, madame, en vous offrant ces lignes,
Que je vous fasse part de cette vérité :
Depuis que je vous vis, j'ai été agité;
Vous êtes un objet qui en êtes bien digne.
Mon cœur a ressenti qu'un trait trop plein d'adresse
Est trop capable, hélas! d'ôter la liberté.
Quoique je sois à cette heure au temps de puberté,
Le inonde dit pourtant que c'est une faiblesse.
Ma faiblesse me plaît, et semble préférable
A des cœurs qui sont durs, semblables à des rochers;
Et quand l'on me dirait que ce serait pécher,
Vous valez un péché, vous êtes trop aimable.
Je ne me trouve pas moi-même assez capable
De vous faire sentir ce qu'éprouve mon cœur.
Aimer est un bonheur, aimer est un malheur;
Tantôt on est content, tantôt cela accable.
Tirez-moi donc de peine, et soyez mon arbitre,
Car je n'attends de sort que sorti de vos mains.
Je suis dans l'esclavage, je suis dans vos liens,
Et ne demande pas jamais un autre titre.
N'en ai-je pas trop dit? Réprimez ma hardiesse.
Du moins n'ai-je parlé comme vous fûtes ici;
Mais j'avais tant à voir dont j'étais en souci,
Car vous me paraissiez ainsi qu'une déesse.
Recevez donc, madame, un cœur qui est trop tendre,
Qui attend, impatient, seulement la permission
De vous faire souvent ses douces soumissions,
Et qui a balancé à cette heure de l'entreprendre.
Je compte les moments, je compte les minutes,
Afin de recevoir de vous la décision
Sur quoi je réglerai toutes mes actions.
Mais je crains ce malheur qui trop me persécute.
Qu'il me soit donc contraire en m'offrant des traverses,
Vous verrez que, malgré, je puis être constant;
Et si je n'ai pas lieu d'en être trop content,
Il faut que la patience à la fin pourtant perce.
Mais j'en ai écrit trop, et ma passion m'emporte;
Je crois vous ennuyer, vous priant à la fin
De croire que ce cœur, de vous rempli et plein,
Y persévérera toujours de même sorte.

Frideric.