<83>Chrétien. J'ai vu que la Suède ne ressemblait plus à elle-même; que sur les ruines du trône s'élève une aristocratie cruelle et sanguinaire, et que par conséquent, sans vous, ma patrie n'aurait plus d'allié dans le Nord. J'ai vu qu'une nouvelle puissance, à demi sortie de la barbarie, mais formidable par le nombre de ses troupes, et régnant depuis la mer Glaciale jusqu'au Palus Méotide, pouvait, à l'aide des Césars germains, accabler les descendants des Soliman et des Mahomet, et que, si la France n'y pourvoyait, elle se trouverait avoir en tête un ennemi plus puissant que Charles-Quint, aussi ambitieux que Ferdinand II, plus actif que Charles VI, qui revendiquerait sans cesse la Franche-Comté, l'Alsace, la Lorraine et peut-être la Flandre, et dont les vastes desseins tendraient même à chasser les Bourbons de l'Italie. Que de guerres cruelles allaient s'allumer dans ce funeste avenir! Que de Français généreux, moissonnés avant le temps, seraient descendus ici-bas pour habiter nos paisibles demeures! Il vous était réservé, Sire, de prévenir tant de maux, d'assurer le trône de nos rois, et d'abattre cette hydre dont les têtes renaissantes s'élèvent sans cesse contre l'empire des Lis.

Après d'aussi illustres actions, après une vie longue et heureuse, que je souhaite à Votre Majesté, elle viendra prendre place dans ce séjour fortuné pour y recevoir nos hommages : et j'ose espérer, Sire, que vous daignerez distinguer, dans le nombre de ceux qui vous entoureront, celui qui a l'honneur d'être,



Sire,

de Votre Majesté
le très-humble et très-sincère admirateur,
Armand-Jean du Plessis, cardinal duc de Richelieu.