<60>dans cette embarrassante situation, produisit des fragments de lettres supposées de M. de Leibniz,a dont il disait avoir oublié où il avait vu les originaux. Ce procès littéraire, exposé dans une assemblée de notre Académie, fut jugé, et König condamné d'une voix.

Le professeur, irrité de se voir confondu, et surtout fâché de n'avoir pu nuire à un homme que toute l'Europe admire, non content de l'accabler d'injures grossières, la dernière ressource de ceux qui n'ont point de bonnes raisons à alléguer, s'associa avec des écrivains assez méprisables pour s'enrôler chez lui et pour combattre sous ses drapeaux. L'un de ces misérables,b sous le nom d'un académicien de Berlin, a fait imprimer un libelle infâme dans lequel il traite M. de Maupertuis comme un homme sans jugement peut parler d'un inconnu, ou comme les imposteurs les plus effrontés ont coutume de calomnier la vertu.

M. de Maupertuis est trop au-dessus de pareilles imputations par son caractère, par son mérite et par sa réputation, pour qu'il ait lieu de s'en offenser; il est trop philosophe pour que des injures qui ne sont que des injures puissent troubler son repos. Mais nous autres académiciens, nous devons nous élever contre un furieux qui, sans pouvoir mordre M. de Maupertuis, pourrait blesser notre corps.

Il faut qu'il soit clair aux yeux de toutes les nations qu'il n'y a point parmi nous de fils assez dénaturé pour lever le bras contre son père, ni d'académicien assez vil pour se rendre l'organe


a La lettre de Leibniz, datée de Hanovre, le 16 octobre 1707, dont König avait cité un fragment dans les Nova Acta Eruditorum de Leipzig, mars 1751, p. 176, fut reproduite en entier par ce dernier dans son Appel au public du jugement de l'Académie royale de Berlin sur un fragment de lettre de M. de Leibniz, cité par M. König. A Leyde, 1752, Appendice, p. 42-48. Cet Appel au public parut au mois de septembre; il a cent vingt-deux pages in-8, avec un Appendice de soixante-huit pages. Le Roi ne le connaissait pas lorsqu'il fit sa Lettre d'un académicien.
     L'Académie de Berlin raya König de la liste de ses membres, en le déclarant faussaire, c'est-à-dire auteur de la lettre qu'il attribuait à Leibniz. Cette lettre cependant n'était pas supposée; mais elle n'était pas adressée à Herman de Bâle, comme König l'avait prétendu.

b Frédéric fait ici allusion à Voltaire et à sa Réponse d'un académicien de Berlin à un académicien de Paris, Berlin, le 18 septembre 1752. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. LVI, p. 181-183.