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VI. LETTRE D'UN ACADÉMICIEN DE BERLIN A UN ACADÉMICIEN DE PARIS.

Depuis qu'il y a eu des gens de lettres, il y a eu des disputes, parce qu'il est libre d'avoir des sentiments différents, et que chacun croit avoir de bonnes raisons pour soutenir les siens. Mais ce qu'il y a d'humiliant pour l'esprit humain, ce sont ces animosités excitées par l'envie, ces libelles, ces injures, ces calomnies atroces dont les petits génies tâchent d'accabler la mémoire des grands hommes.

Ne pensez pas, monsieur, que ce soit moi qui aie à me plaindre; la médiocrité des talents est comme un rempart qui défend contre les incursions de l'envie. Il s'agit de M. de Maupertuis, notre illustre président. Sa supériorité, son génie, ses profondes connaissances, ont révolté l'amour-propre de M. König, professeur en philosophie. Ce professeur, ne pouvant s'élever à l'égal d'un grand homme, crut que ce serait toujours beaucoup que de l'abaisser; il disputa à notre président les découvertes sur le principe universel de la moindre action, en soutenant que Leibniz en était l'inventeur. M. de Maupertuis demanda des autorités; il voulut savoir dans quel ouvrage de M. de Leibniz on trouvait des traces de ces découvertes. König, pour ne pas demeurer court