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XX. RELATION DE PHIHIHU, ÉMISSAIRE DE L'EMPEREUR DE LA CHINE EN EUROPE.

TRADUIT DU CHINOIS.

LETTRE PREMIÈRE.

Sublime empereur, astre de lumière, merveille de nos jours, consolation de tes esclaves, ô toi dont je ne suis pas digne de baiser le marchepied de tes pieds! j'ai entrepris selon tes ordres le grand voyage que tu m'as ordonné de faire. J'arrivai avec le père Bertau à Constantinople, sans que nous ayons essuyé aucun accident en chemin. Constantinople est une très-grande ville, mais elle n'approche pas de Pékin. Il y a un nouvel empereur turc, qui vient de succéder depuis peu à son oncle. J'ai été surpris de voir à ce peuple de grands yeux, et des barbes qui ont l'air de forêts. On dit que les Européens sont tous de même; je doute cependant qu'ils voient mieux que nous. On m'a dit qu'ils portent des barbes pour se donner un air de sagesse. En me promenant à Péra, je vis un animal portant des cornes, et qui, à en juger par sa barbe, devait être plus sage que tous ces gens-là. Je leur demandai s'il était en grande considération; on pensa me lapider, et je me sauvai avec mon jésuite dans la maison d'un ambassadeur qui, quoique n'ayant point de barbe, me parut