<80>En simple citoyen n'en est pas moins illustre.
La grandeur est un glaive, un instrument fatal,
S'il tombe entre des mains qui s'en servent à mal;
Mais si le sort le met dans une main habile,
C'est pour le genre humain le don le plus utile.
Ce mortel fortuné n'est rien plus que ce gueux;
Ils ont un même droit au bonheur tous les deux.
Tandis que, s'endormant au sein de l'opulence,
L'un croit qu'il est la fin pour qui la Providence
Fit sortir du néant tous ces êtres divers
Qui rampent sur la terre, ou volent par les airs,
L'autre traîne humblement sa languissante vie,
De la faim dévorante et des maux poursuivie;
Obscur, désespéré, du malheur abattu,
Lorsqu'il manque de tout, l'autre a le superflu.
Ces flambeaux immortels qu'aux cieux on voit paraître
Prodiguent aux humains la faveur de leur être;
Leur hauteur est pour eux, leurs rayons sont pour nous.
Vous, farouches mortels, de vos biens plus jaloux,
Chiches de vos talents et de votre assistance,
Répandez ainsi qu'eux votre douce influence,
Brillez dans l'univers par vos soins bienfaisants,
Rendez-nous moins frappés et plus reconnaissants.
Plus d'un état heureux se trouve dans le monde;
La nature, en ses dons toujours riche et féconde,
Par des degrés divers partagea ses faveurs;
Le bonheur ne fut pas seul pour les empereurs.
Mais quelque soit la part qui nous en soit échue,
Faisons toujours du bien selon son étendue.
L'abeille, en bourdonnant, s'envole le matin,
Dans les champs, dans les bois, amasser son butin;
Et d'un miel pur et doux qu'elle filtre et sépare
Pour le peuple enruché l'aliment se prépare.
Leur travail est égal; de leurs communs accords
Résulte leur soutien, leur vie et leurs trésors.
C'est là notre leçon, c'est ainsi qu'on peut joindre
A son propre bonheur la fortune d'un moindre,