<74>De leur foi opprimée au ciel portaient la plainte.
Mais ces persécutés, bientôt changeant de mœurs,
Des autres à leur tour furent persécuteurs,
Et, de leurs ennemis même employant les armes,
Portèrent dans leur sein le trouble et les alarmes.
Leurs docteurs furieux, méprisant le bon sens,
Selon leurs intérêts changeaient leurs arguments,
Et, de barbares mots cherchant la vaine emphase,
Embrouillaient la dispute, obscurcissant la phrase;
Tout sentiment nouveau, toute autre opinion,
Semblaient à leur parti menacer du talion.
L'Afrique est moins fertile en monstres, en insectes,
Que ce parti nouveau l'est en nouvelles sectes,
Pleines d'un même fiel, promptes à se venger,
Et d'un zèle enflammé prêtes à s'égorger.
O fanatisme affreux! seul dieu qui les inspire,
Qui ranimez leur haine afin de les détruire,
Redites-moi quel bras, quel salutaire bras
Les sauva malgré vous de l'horreur du trépas.
Ils auraient dû périr en se faisant la guerre,
Ainsi que ces héros enfantés par la terre,
Qui, nés des dents d'un monstre, en avaient la fureur,
Se livraient follement au glaive destructeur.
Sont-ce là les chrétiens dont l'Europe nous vante
La religion douce, aimable et bienfaisante?
Un océan de sang versé par leur fureur
Sur leurs rivaux vaincus éleva leur grandeur;
Souvent l'homme pensant, poursuivi comme athée,
A vu sa liberté par eux persécutée.
Galilée, opprimé par superstition,
Fut mis dans les cachots de l'inquisition;
Il avait démontré la figure du monde,
Son crime était, hélas! sa science profonde;
Et Bayle, poursuivi par un prélat fougueux,10
N'échappa qu'avec peine à ses traits furieux.
Ainsi la liberté, si naturelle à l'homme,


10 Jurieu.