<69>Vous croyez leurs chagrins finis?
Non, chez eux règne l'épouvante,
Le trouble habite en leur maison.
La nuit, le méfiant soupçon
Réveille Alcippe avant l'aurore;
Sa triste et funeste raison
Grossit la peine qui le dévore.
Sans cesse il craint la trahison
De la compagne qu'il adore;
Plus avare de ses yeux doux,
Plus lésineux que Crassus même,
Par cent cadenas et verrous
Il s'assure l'objet qu'il aime;
Mais son esprit, industrieux
A s'épouvanter d'un atome,
Le rend chagrin, triste, ombrageux.
D'un être idéal, d'un fantôme,
Enfin, l'imagination
Fait réaliser la chimère;
Elle change en affliction
Une félicité sincère,
Et compose du plus doux miel
L'âpre amertume de son fiel.
Si de Vénus l'enfant aimable
De ces malheurs n'est point exempt,
Plutus comme lui s'en ressent;
Le caprice indisciplinable,
L'humeur altière, insupportable,
Le dégoût léger, inconstant,
Sont comme l'ombre inséparable
De ce corps vil et méprisable.
Voyez le riche et le puissant :
Jamais la misère importune
Ne put changer de sa fortune
Le cours heureux et triomphant;
De son bonheur il est le maître,