<65>Dans mon système de morale, tout homme raisonnable doit pratiquer la vertu, parce qu'il est de son intérêt d'être vertueux, et parce que la vertu a des attraits indicibles pour une âme bien née.a

Je ne sais aucun gré à un homme violent de ce qu'il ne se porte point envers moi jusqu'à la dernière extrémité par l'appréhension de l'enfer; mais je me sens pénétré de reconnaissance envers une personne qui me fait quelque bien par sentiment et par bonté de cœur. Je suis persuadé que le philosophe de Cirey et la déesse du newtonisme seront de mon sentiment. Il n'y a, selon moi, rien de plus simple et de plus naturel; ce serait le triomphe de la raison que de voir des hommes sans erreurs, et ce serait celui de la vertu que de les voir humains par discernement. Il est à craindre que ce phénomène ne se verra guère autre part qu'à Cirey, cet endroit aimé des cieux, cet endroit où il paraît que la nature eût voulu assembler tout ce qu'elle a trouvé de plus achevé dans l'univers.

Je prie le poëte philosophe de vouloir bien me communiquer ses idées sur cette morale. J'espère que vous ne la traiterez pas comme Despréaux celle d'Abelly.a


a Voyez t. IX, p. 101.

a Louis Abelly, auteur de la Medulla theologica, mort évêque de Rodez, en 1691, avait soutenu la fausse attrition par des arguments que Boileau a réfutés dans son Épître XII, Sur l'amour de Dieu, v. 159-162.