<61>Que de nos jours le court espace
Ne nous fournit que rarement,
Et que la nature féconde
A daigné placer dans le monde
Pour soulager tous nos tourments.
La peur dicta leur catéchisme,
Et de cette vertu sublime
Qu'ils nous vantent effrontément
Elle est l'unique fondement.
La terreur qui les aiguillonne
Les mène à matines, au prône,
Les fait bâiller dévotement
Et fredonner absurdement
Quand l'orgue, en mugissant, seconde
La voix dont le bourdonnement
Ressemble à l'Océan qui gronde,
Et lorsque les prédicateurs
Des tons de leur voix glapissante
Leur font entendre les clameurs
Dans les voûtes retentissantes.
Zélés à leur opinion,
Ils vous damnent d'un air sauvage
Tous ceux qui, suivant la raison,
Croient l'Être suprême bon,
Et non pas un anthropophage;
Et dans leur mystique jargon
Nous décochent l'obscur langage
Que jadis au grégeois rivage
Tous les pontifes d'Apollon
Et ceux de Jupiter Ammon
Tenaient à ceux du voisinage,
Lorsque d'un songe ou d'un présage
On leur demandait la raison.
Leur ridicule espoir se fonde
Sur les malheurs de l'univers;
Ils annoncent la fin du monde,
Ils prophétisent les revers.