<57>Et de tous ces hommages vains
Que des grands la magnificence
Se fait rendre par l'indigence;
Enfin réchappé du palais
Où l'esclavage de la gêne
Tenait, de sa main inhumaine,
Ma liberté dans les filets,
Où la timide prévoyance
Et la circonspecte prudence,
Craintive et marchant à tâtons,
De l'ennui que causent leurs noms
Retenaient mes plaisirs en bride,
Et rendaient ma joie insipide;
Je te puis, cher ami, sans peur,
Libre et seul maître de moi-même,
Confier à quel point je t'aime.
Aux sentiments vifs de mon cœur
Ton cœur servira d'interprète;
Que sans fin cet écho répète
Tous les charmes et la douceur
D'un commerce plein de candeur.
Mais au plaisir, lorsque j'y pense.
Succède bientôt la douleur;
D'un démon jaloux du bonheur
Je sens la maligne influence;
C'est lui qui cause ton absence,
L'aggrave encor par sa longueur.
Quand ce démon plein de furie
Calme son importune ardeur,
Aura-t-il la galanterie
De laisser à ton protecteur,
A ton séraphin tutélaire,
Le plaisir, la gloire et l'honneur
De t'amener, plein de vigueur,
Trouver ton étoile polaire
Et humer la divine odeur
Des parfums de notre prairie?