<38>Il fait éclore, au sein de la stérilité,
Les biens de l'abondance et la fécondité,
Et, roulant sur la fange ou sur la molle arène,
Va se mêler aux mers où sa course l'entraîne.
C'est ainsi que d'un front ferme et toujours égal
Il te faut recevoir et le bien, et le mal;
Sans orgueil à la cour, sans bassesse à la ville,
Malade ou vigoureux, également tranquille,
Sans t'impatienter de ton sort clandestin,
Sois satisfait du lot qui t'échut du destin.
Le ciel a réuni par d'éternelles chaînes
Les fruits de notre gloire ou l'effort de nos peines;
L'esprit ferme et constant brille dans les hasards,
L'inflexibilité réussit dans les arts.
En vain tu t'applaudis de ton vaste génie,
Si tu n's patient, Apollon te renie.
Pesne,a moins vigilant, se laissant rebuter,
Au-dessus de Rigauda n'aurait pu se placer;
Par son pinceau savant la nature imitée
Croit voir, en l'admirant, un nouveau Prométhée.
Ce Petrini1 vanté, dont les doigts diligents
Forment ces doux accords qui chatouillent tes sens,
Et dont la main paraît, sur sa harpe empoignée,
A sa toile ourdissant une active araignée,
Ce ton mélodieux qui fait naître l'amour,
N'est pas chez Petrini l'ouvrage d'un seul jour.
Mille difficultés contre lui s'opposèrent;
Par ses soins redoublés ses doigts se délièrent.
Les arts sont comme Églé, dont le cœur n'est rendu
Qu'à l'amant le plus tendre et le plus assidu.
Mais sans parler des arts que notre goût cultive,
Ta constance jamais ne peut rester oisive.
Quel que soit ton destin, quel que soit ton état,
Guerrier, prêtre, commis, sujet ou potentat,


1 Fameux joueur de harpe qui est à mon service.

a Voyez ci-dessus, p. 34. Le peintre français Hyacinthe Rigaud excellait dans le portrait; il mourut en 1743. Voyez t. VII, p. 40.