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IX. ÉPITRE SUR LA FERMETÉ ET SUR LA PATIENCE.

Tout est également partagé dans ce monde,
Le plaisir enchanteur et la douleur profonde;
Et l'appât séduisant d'un durable bonheur
N'est qu'une illusion, un fantôme flatteur.
Cet éclair éblouit une âme encor nouvelle,
L'imagination la saisit avec zèle;
Mais le novice heureux, si vivement frappé,
Par le malheur, hélas! trop vite est détrompé.
Son esprit incertain et son âme flottante
De l'excès de l'espoir tombe dans l'épouvante;
Vil esclave du sort, se livrant au torrent,
Tantôt il est trop vain, tantôt il est rampant.
Vois ce fleuve rouler ses ondes salutaires,
Son cours toujours égal et ses eaux toujours claires;
Tantôt par cent canaux on le voit serpenter,
Tantôt, les unissant, ses bras le font enfler.
Il baigne en ce vallon les fleurs de la prairie,
Il traverse plus bas des déserts d'Arabie;
Une digue en ce lieu le force à se courber,
Et là, c'est un rocher qui le fait détourner.
Par sa douce saveur, le bord qui l'environne
Est orné des présents de Flore et de Pomone;