<2>Fatale erreur qui nous entraîne!
Nous poursuivons de vains objets;
Pour une fortune incertaine
Nous formons mille vains projets.
L'homme, conduit par des caprices,
Semble oublier dans les délices
Que le ciel a borné ses jours;
Plein du doux poison qui l'enivre,
Il s'embarrasse autant de vivre
Que s'il devait vivre toujours.

Vainement il voit que la Parque
Nous tient tous soumis à ses lois,
Et que tous passent dans la barque
Où jamais on n'entre deux fois;
La raison et l'expérience
Ne peuvent par aucune instance
Réveiller ses sens engourdis;
Pour suivre ces fidèles guides,
Ou ses vertus sont trop timides,
Ou ses vices sont trop hardis.

Jusqu'à quand, vanités mondaines,
Enchanterez-vous nos esprits?
Tiendrez-vous toujours dans les chaînes
Nos cœurs, de vos charmes épris?
Passerons-nous dans l'esclavage
Toutes les saisons de notre âge,
Sans que nous puissions en sortir?
Nous faudra-t-il donc pour victime
Donner notre jeunesse au crime,
Notre vieillesse au repentir?
Non, faisons un meilleur usage
D'un trésor qui nous vient des cieux;
Le temps est court, qu'on le ménage;
Tous les moments sont précieux.