<66>Mais calmez-vous, je ne suis qu'apprenti,
Je n'atteins point à la longue tirade
De tous vos maux au cortége plaintif.
Gardez-les donc, mais sans qu'ils vous excèdent;
Selon vos vœux, de longtemps ils possèdent
Sur votre corps privilége exclusif.
Obstructions, vapeurs d'hypocondrie,
Relâchement, colique, strangurie,
Transports ardents, catarrhes, fluxions,
Poumons crachés, fièvre d'esquinancie,
La gale aux doigts, des ébullitions,
Un flux de sang, tantôt paralysie,
Vomissements, vertiges, pâmoisons,
Sont tous des maux remplis de courtoisie,
Prêts d'obéir à votre fantaisie,
Et que chez vous, cher marquis, tour à tour,
Exactement on trouve être du jour,
Ainsi qu'on voit d'infâmes parasites,
Des souverains serviles satellites,
De leur essaim déshonorer la cour.
Ces maux affreux causent notre martyre,
Par eux enfin nous nous voyons détruire;
Mais près de vous trop familiarisés,
Par mauvais goût ou par bizarrerie,
Depuis vingt ans, marquis, vous vous plaisez
Dans leur funeste et triste compagnie,
Et préférez, par singularité,
L'état fâcheux de souffrir maladie
Au doux plaisir qui naît de la santé.
Malade enfin par état, par coutume,
Un poêle ardent dans le lit vous consume;
Et s'il advient dans un temps limité
Qu'Éguillea un jour proprement vous inhume,
Sur votre tombe, au pied du grand autel,
Seront ces mots crayonnés par ma plume :


a Éguilles, nom de la terre du marquis d'Argens, en Provence. Voyez t. XII, p. 98.