<10>Mais vous, montrez-moi les marques,
Grands écraseurs de monarques,a
De vos succès couronnés;
Je veux voir de vrais trophées,
Des querelles étouffées,
Non des peuples ruinés.

Quoi! cet armement immense,
Qui devait nous extirper,
Comme une ombre sans substance
Vient donc de se dissiper!
Quoi! ce fantôme effroyable
Ne laisse de mémorable
Que ses vestiges sanglants,
Comme la flotte invincible,
Dont l'appareil si terrible
Devint le jouet des vents!

Sous l'ombre douce et trompeuse
D'imaginaires lauriers,
La sécurité flatteuse
Endormait tous vos guerriers;
Rassasiés de pillage,
Ils estimaient leur courage
Par l'amas de leur butin.
O tranquillité traîtresse!
Tu voilais à leur mollesse
L'affreux réveil du matin.

Tel, en ouvrant sa carrière,
Du tendre sein de Thétis
Dardant sa vive lumière
Par les airs appesantis,


a « Écraser le roi de Prusse » était le mot favori des Français avant la bataille de Rossbach. Voyez t. IV, p. 20, t. VI, p. 146, et, ci-dessous, la pièce intitulée Aux Écraseurs.