<94>Digne par ta politesse
D'être mis au niveau des célèbres esprits
Dont s'applaudissait la Grèce,
Ou dont se vante Paris;
Plus digne par ton cœur d'occuper une place
Chez le peu de héros connus par l'amitié!
Si je pouvais jouer de la lyre d'Horace,
Je ferais retentir les échos du Parnasse
Des regrets de ce cœur toujours au tien lié.
Je dirais que tu surpasse
Achate et Pirithoüs,
Pylade, Oreste et Nisus.
J'immortaliserais, dans l'ardeur qui m'enflamme,
Les éclatantes vertus
Qui brillaient dans ta belle âme.
Mais, Dieu! je vois le jour, et tu ne le vois plus!
Il n'est donc que trop vrai, la mort inexorable
Ravit également le vulgaire hébété
Et l'homme le plus aimable.
Elle n'épargne rien, vertu ni dignité;
Sur les rives du Cocyte
Il n'est vice ni mérite;
Ce qui n'est plus n'a qu'été;
J'y vois dans l'égalité
Hector, Achille et Thersite.
Vers ce séjour obscur j'avance promptement,
Mes heures et mes jours volent rapidement;
Ma carrière, au delà de la moitié remplie,
Me présente sa sortie.
Dans peu je te joindrai dans ton noir monument;
Là, dans cet asile sombre,
Je veux m'unir à ton ombre
Et la chérir constamment.
Tandis que le destin m'arrête dans ce monde,
Plein de ma douleur profonde,
Portant au fond du cœur l'empreinte de tes traits,
Nul bonheur ne pourra diminuer ma plainte.