<5>Voyons : voilà plus de trente laquaisa
A pas comptés qui suivent à la file
D'Apicius un habile profès;
De tant de plats on nourrirait la ville.
Le sieur Hamoch, plus fier que Paul-Émile,
De la cuisine au salon du palais
Mène en grand' pompe un souper de Luculle;
Le moindre plat, c'est lui qui l'intitule
D'un nom baroque et très-mal assorti;
De cette armée il est le quartier-maître.
Là pour l'entrée, ici pour le rôti,
Il sait placer le plat comme il doit être,
Ragoûts nouveaux, pâtés, fins entremets,
En les louant à messieurs les gourmets.
De tant de plats quelle odeur dégoûtante!
L'hôte, prenant la mine plus riante,
Trouve qu'Hamoch surpasse ses projets.
On va s'asseoir, et cette compagnie,
Quoique sournoise, est tout au mieux choisie.
Mais tout ce monde est stupide ou muet!
Ah! cette paire est au mieux assortie :
De ce baron si maigre et si fluet
Cette bégueule est la vieille ennemie,
Certain procès les a rendus rivaux;
Avec quel air ils se tournent le dos!
De ces paniers dorés par des réseaux
La place à table est d'avance remplie,
Et sur la chaise, en serrant les genoux,
A peine encore en reste-t-il pour vous.
De bavarder Damis aurait envie;
Mais s'il affecte un air de rêverie,
C'est par prudence : il craint ce médisant,
Ce vieux baron à langue de serpent.
L'hôte, attentif à ranimer le monde,
Dit quelques riens, fait le mauvais plaisant;


a La description de ce repas rappelle en plusieurs passages la troisième satire de Boileau.